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L'exploitation des hydrocarbures en Arctique au prisme de la cryosophie

Les nouvelles du Svalbard, Novembre 2014

Les propos récents d'Evgueni Primakov, économiste, académicien et ancien ministre, résument bien les cinq directions prioritaires de la politique russe en Arctique : route maritime du Nord, définition précise des frontières, ressources naturelles, infrastructures militaires, développement socio-économique.
Chaque direction implique des efforts considérables de recherche fondamentale et appliquée. Ainsi l'économie russe repose sur l'exploitation du pétrole et du gaz, pour lesquels la zone arctique est stratégique : de source russe, 43 % des réserves de pétrole et 91 % des réserves de gaz se trouvant sur le plateau continental arctique appartiennent à la Russie. Une part très importante de l'activité de recherche scientifique et technologique russe en Arctique est donc directement liée à l'extraction des hydrocarbures.
C'est dans la ville de Tioumen, porte d'entrée en Sibérie, qu'est né le projet "Dynamique des conditions naturelles et climatiques et de la technosphère dans l'Arctique et le Subarctique". Ce projet implique deux établissements scientifiques du pays : l'Université du pétrole et du gaz TyumGNGU et l'Institut de la cryosphère terrestre IKZ, qui relève de la branche sibérienne de l'Académie des sciences. Ce projet synthétise des préoccupations industrielles concrètes (TyumGNGU) et des interrogations fondamentales, voire philosophiques (IKZ). L'Institut de la cryosphère terrestre est en effet le lieu de naissance de la cryosophie, ou philosophie du froid, conception originale développée par l'académicien Vladimir Melnikov, dont le projet ci-dessus est l'une des déclinaisons pratiques. Parmi les questions abordées, il faut citer la cartographie du pergélisol russe et la refonte des manuels de construction en milieu arctique, qui datent de plus de 10 ans et sont donc périmés au vu des nouvelles conditions climatiques, ainsi que l'analyse du cycle gel-fonte et son incidence sur la corrosion.
L'urgence de telles recherches ne fait plus débat : le changement climatique a fait partiellement fondre l'arctique, alors que 60 % du territoire russe est couvert de pergélisol, et que 30 % des problèmes des infrastructures pétrolières ou gazières de l'Arctique sont liés à la méconnaissance des conditions géologiques mouvantes dues à cette fonte. Ces recherches ont d'ailleurs reçu une stimulation naturelle spectaculaire cette année avec l'apparition subite d'un "trou noir" dans la péninsule du Yamal (Nord-Ouest de la Sibérie), à quelques dizaines de km d'un gisement pétrolier ; il s'agit d'un cratère de 30 m de diamètre et d'une profondeur de 50 m. Son étude est en cours et les premières hypothèses faites par les scientifiques de l'IKZ évoquent une rupture localisée et brusque de la carapace de pergélisol, taraudée par des eaux d'écoulement, sous la pression d'un énorme volume de méthane, menant à un effet de "bouchon de champagne". La prévention de tels phénomènes, qui pourrait se produire au niveau d'infrastructures en surface, est évidemment très importante.
Ce projet est l'occasion de développer la coopération internationale à Tioumen, en faisant appel à la diaspora scientifique russe, présente dans de nombreuses universités de par le monde, comme celle d'Alaska à Fairbanks, avec Vladimir Romanovsky qui développe notamment les modèles mathématiques permettant d'appréhender le contexte arctique. La volonté internationale de la science russe se manifeste aussi par la création d'une base permanente sur l'archipel norvégien du Spitzberg.
La science est également utile à la réputation des industriels auprès d'une société civile de plus en plus exigeante sur l'écologie. Ainsi Rosneft s'implique énergiquement dans l'étude et la protection de la faune arctique, notamment les mammifères et les oiseaux. La compagnie d'état vient ainsi de prendre part à la huitième conférence "Mammifères marins de l'Holarctique" à Saint-Pétersbourg. L'Holarctique est la partie du globe terrestre située au nord du tropique du Cancer.
L'exploitation raisonnée des ressources naturelles est encore en toile de fond des concours régionaux co-organisés annuellement par la région de Mourmansk et les deux agences de moyens russes RFFI (recherche fondamentale) et RGNF (sciences humaines). En particulier, les problématiques sociales nées de la confrontation de cultures autochtones traditionnelles avec une activité industrielle en pleine expansion sont des thèmes de recherche très actuels qui font l'objet de toutes les attentions.

Sources : BE Russie 67 30/10/2014