À l’heure où certains profitent des joies de la retraite entre balades et petits-enfants, d’autres, comme Serge, 72 ans, doivent remettre le pied à l’étrier pour joindre les deux bouts. Une situation qui illustre, de manière poignante, la précarité grandissante des seniors en France, et leur combat quotidien pour conserver un minimum de dignité.
Une retraite bien méritée… mais insuffisante
Serge vit seul à Saint-Quentin, dans l’Aisne, dans un modeste appartement en location. Célibataire, sans enfant, il est à la retraite depuis près de dix ans. Ancien technicien de maintenance, il percevait un salaire de 2 500 € nets à la fin de sa carrière. Aujourd’hui, il doit se contenter de 1 603,08 € de pension mensuelle, retraite complémentaire incluse. Une chute brutale de 35 % qui n’a pas épargné ses charges fixes.
Car le quotidien de Serge est millimétré. Il paie 470 € de loyer, 320 € de prestation compensatoire à son ex-épouse, et environ 285 € de dépenses courantes (assurances, énergie, mutuelle, impôts…). Une fois tout cela réglé, il lui reste à peine 500 € pour vivre. Et encore, une bonne part part déjà dans le carburant et les courses. Pas de marge, pas d’extra.
Mais Serge n’est pas du genre à baisser les bras. Il tient ses comptes avec rigueur, sur papier et sur ordinateur, comme une sentinelle veillant sur un équilibre fragile. « J’ai toujours surveillé mes dépenses. J’ai un fichier Excel, je colle mes tableaux dans un cahier. Je raye au fur et à mesure. C’est ma petite méthode. » Une organisation de fer, oui, mais qui ne suffit plus face à la hausse du coût de la vie.
Travailler à nouveau… pour respirer
Alors, Serge a retroussé ses manches. À 70 ans passés, il a trouvé un petit boulot de chauffeur de taxi scolaire. Tous les matins, il parcourait 280 km par jour pour emmener un lycéen handicapé à Amiens. Pour cela, il gagnait environ 700 à 800 € par mois, au Smic horaire. Une bouffée d’oxygène… jusqu’à ce que les impôts le rattrapent.
« En reprenant une activité, je suis devenu imposable. Résultat : ce que je gagnais en plus, je le reperdais en taxes. J’ai fini par arrêter. » Résigné, il continue malgré tout de piocher dans ses économies pour boucler chaque fin de mois. Mais son matelas fond. Si rien ne change, il estime que son épargne sera vide d’ici trois ans.
Un quotidien sans luxe, mais pas sans inquiétudes
Aujourd’hui, ses loisirs se limitent à quelques thés dansants, des moments simples, partagés avec une amie. « Ça me coûte 40 €, alors je n’y vais pas souvent. » Il reste actif au sein d’une association, mais même ces engagements ont un coût — essence, péages — difficile à intégrer dans un budget si serré.
Et comme si cela ne suffisait pas, sa voiture de quatorze ans lui joue des tours : quatre pneus à changer pour passer le contrôle technique. Une dépense de plus, imprévue, impossible à repousser.
Une situation trop banale en France
L’histoire de Serge n’est pas une exception. Elle révèle les failles d’un système où le passage à la retraite s’accompagne souvent d’un appauvrissement brutal. Selon le Conseil d’orientation des retraites, le niveau de vie moyen des retraités reste proche de celui des actifs, mais les écarts se creusent. Et pour ceux qui louent, qui sont seuls ou qui doivent encore verser une pension, la situation devient vite critique.
Des dispositifs comme le Livret d’Épargne Durable, les chèques vacances de la CAF, ou le billet congé annuel SNCF existent, mais restent souvent insuffisants. Ils allègent à peine une réalité plus lourde : celle d’une retraite où chaque dépense se négocie.
Alors Serge s’adapte. Il serre les dents, fait ses comptes, coupe dans le superflu. Mais à 72 ans, il espérait autre chose qu’une bataille quotidienne pour garder la tête hors de l’eau.