Le Code du royaume norvégien a été un moment charnière dans l'histoire de la Norvège, faisant progresser les droits des femmes dans une société encore dominée par les normes patriarcales.
En 2024, la Norvège célèbre les 750 ans de l'adoption de la Code du royaume norvégienune réforme juridique révolutionnaire du roi Magnus VI, connu sous le nom de Magnus le législateur.
Cet anniversaire offre l'occasion de réfléchir au long cheminement de la Norvège vers l'égalité des sexes. Bien que le Code ait introduit des droits juridiques importants pour les femmes, son contexte au sein de la société médiévale révèle à la fois des avancées et des limites.
En examinant l'impact du Code, nous comprenons mieux comment les cadres historiques continuent d'influencer les valeurs progressistes de la Norvège aujourd'hui.
Une nation unie par la loi
Le Code du royaume norvégien de 1274 fut la première législation nationale norvégienne, remplaçant une mosaïque de lois régionales par un système juridique unifié. Cette réforme a non seulement rationalisé la gouvernance, mais a également formalisé les droits d'héritage des femmes.
Pour la première fois, les femmes norvégiennes se voyaient garantir une part du patrimoine familial, même si elles avaient des frères, même si les frères héritaient du double.
L'historienne Randi Bjørshol Wærdahl note que même si de telles pratiques existaient auparavant, le Code les a codifiées, accordant aux femmes une protection juridique sur leurs ressources financières.
L'héritage était particulièrement important au Moyen Âge, la propriété étant la principale source de richesse et de pouvoir. La capacité des femmes à hériter de biens a amélioré leur statut sociétal, en particulier parmi les classes supérieures.
Des preuves archéologiques, notamment des pierres runiques de l'époque viking, montrent que les femmes pouvaient amasser des domaines importants, offrant un aperçu de leur influence économique bien avant la promulgation du Code.
Droits économiques et limites des femmes
Le Code du Royaume reflète également l'évolution des attitudes à l'égard de l'indépendance financière des femmes. Au début du XIVe siècle, il étendait la protection aux veuves, leur permettant de conserver les ressources partagées après le décès de leur mari.
Ce changement a souligné l'importance croissante des familles nucléaires dans la société médiévale. Les veuves devenaient souvent chefs de famille, gérant les domaines et les finances.
Dans certains cas, les veuves ont hérité des positions de leurs maris, exerçant une autorité comparable à celle de leurs homologues masculins.
Cependant, ces droits n'étaient pas universels. Les femmes mariées étaient confrontées à des restrictions sur les transactions commerciales et financières, limitées à des sommes aussi minimes que quelques minerai.
Cela reflétait les normes patriarcales de l'époque, qui réduisaient l'autonomie des femmes, en particulier dans les zones rurales.
Les environnements urbains, axés sur le commerce et la flexibilité économique, offraient davantage de possibilités aux femmes de contourner ces restrictions.
Mariage et rôle des femmes
Le mariage était un autre domaine dans lequel le Code du Royaume formalisait les normes sociétales existantes. Alors que la société norvégienne médiévale idéalisait les partenariats entre maris et femmes, le rôle des femmes se limitait souvent à soutenir leur mari.
Le concept de l'épouse en tant que partenaire de son mari s'étendait à la gestion des successions pendant son absence ou au rôle de mandataire en temps de crise.
Le rôle des reines illustre davantage la dualité des attentes médiévales en matière de genre. Le couronnement de la reine Ingeborg Eriksdatter en 1261 a marqué le premier couronnement documenté d'une reine en Norvège, symbolisant son influence au sein de la maison royale.
Cependant, dans la société au sens large, le pouvoir politique formel des femmes restait rare, confiné à quelques familles d'élite.
Pragmatisme contre idéaux
La société norvégienne médiévale fonctionnait de manière pragmatique, s'écartant souvent des idéaux énoncés dans le Code. L'influence réelle des femmes dépassait souvent le rôle qui leur était prescrit, en particulier au sein de l'aristocratie.
Les femmes riches exerçaient un pouvoir informel grâce à leurs ressources économiques et à leurs réseaux sociaux, façonnant les résultats politiques et sociaux en coulisses.
Malgré cela, la vie de la plupart des femmes reste régie par des normes sociétales rigides. Par exemple, les lois sur l’infidélité imposaient aux femmes le fardeau du maintien de l’honneur conjugal, avec de graves conséquences pour celles qui les transgressaient.
Pourtant, les documents historiques suggèrent que les pratiques réelles s’écartaient souvent de ces restrictions, reflétant une société qui équilibrait les codes juridiques avec les réalités pratiques.
Le rôle de la culture écrite
Le Moyen Âge a également vu l’essor de la culture écrite, qui a joué un rôle crucial dans l’élaboration des normes sociétales. Le Code du Royaume faisait partie d'une tendance plus large visant à documenter les lois, les contrats et autres accords.
Au XIVe siècle, la correspondance personnelle entre l'élite révèle que les femmes étaient activement impliquées dans la communication écrite, la gestion des domaines et la négociation des contrats.
Les lettres entre époux ouvrent une fenêtre sur leurs relations de collaboration, remettant en question les hypothèses modernes sur la misogynie médiévale.
Ces documents mettent en évidence la manière dont les couples ont travaillé ensemble pour surmonter les contraintes sociétales, offrant une vision plus nuancée de la dynamique de genre au cours de cette période.
Héritage et leçons
Le Code du royaume norvégien est resté en vigueur jusqu'au XVIIe siècle, laissant un héritage durable à la société norvégienne.
Tout en reflétant les structures patriarcales de son époque, il a également jeté les bases des droits juridiques des femmes, offrant un aperçu des progrès à venir.
La réputation actuelle de la Norvège en tant que leader mondial en matière d'égalité des sexes doit beaucoup à ces premières réformes juridiques, qui ont établi le principe selon lequel les femmes méritent une part des ressources sociétales.
Cependant, comme nous le rappelle l’historienne Randi Bjørshol Wærdahl, il faut aborder l’histoire médiévale avec prudence. Les sources disponibles – sagas, textes juridiques et découvertes archéologiques – présentent souvent une version idéalisée de la société.