L’Australie dépense une fortune pour des forêts… qui n’existent pas

Imaginez investir des millions dans la régénération forestière, pour découvrir que les forêts promises ne se matérialisent pas réellement. C’est le constat alarmant qui émerge des projets australiens de séquestration de carbone. J’ai eu l’occasion d’échanger avec des experts et de parcourir quelques articles de fond pour comprendre ce phénomène qui remet en question la fiabilité des offset carbone.

Analyse d’une stratégie contestée

Depuis plusieurs années, l’Australie mise sur des projets de régénération forestière dans des zones arides, notamment dans le Queensland, en Nouvelle-Galles du Sud et en Australie-Occidentale. Ces projets, basés sur une méthode dite de régénération induite par l’homme (HIR), visent à stimuler la repousse naturelle des forêts natives en réduisant le pâturage. Cependant, en dépit de l’afflux de crédits carbone et des financements alloués, la réalité sur le terrain semble bien éloignée des objectifs affichés.

Je me souviens d’une discussion avec un ami biologiste qui m’expliquait comment, lors d’un voyage dans l’arrière-pays australien, il avait constaté que la végétation ne reprenait pas son cours naturel, malgré des politiques de réduction du bétail. Cette observation rejoint les conclusions d’études menées par plusieurs universités australiennes de renom.

Des résultats décevants

Les chiffres ne mentent pas : dans près de 80 % des projets étudiés, la couverture en arbres n’a pas augmenté de manière significative, et dans certains cas, elle a même régressé. Ces résultats décevants montrent que les efforts de régénération ne répondent pas aux attentes, remettant en cause l’efficacité des politiques actuelles de séquestration de carbone. De nombreux experts, tels que ceux affiliés à l’Université Nationale Australienne (ANU) et à d’autres institutions reconnues, soulignent que les modèles utilisés pour estimer la croissance des forêts sont basés sur des hypothèses optimistes qui ne se confirment pas dans la réalité.

Problèmes méthodologiques et implications

Le principal reproche adressé à ces projets réside dans le fait que la séquestration de carbone est souvent calculée via des modèles théoriques, plutôt que par des mesures concrètes sur le terrain. Ces modèles supposent une régénération uniforme de la forêt sur l’ensemble des zones créditées, sans tenir compte des conditions environnementales réelles. Des experts, tels que le Dr Megan Evans de l’UNSW Canberra, insistent sur le fait que prévoir une couverture forestière complète en seulement 10 à 15 ans est, dans de nombreux cas, peu réaliste.

Conséquences pour le changement climatique

L’enjeu est crucial : lorsque des crédits carbones sont attribués pour des projets qui ne parviennent pas à séquestrer le carbone comme prévu, c’est toute la lutte contre le changement climatique qui est compromise. Des organismes internationaux, dont le GIEC, rappellent que la crédibilité des mécanismes d’offset carbone repose sur leur capacité à produire des réductions d’émissions tangibles. Une surévaluation de la séquestration forestière peut donc conduire à des politiques climatiques inefficaces et à une augmentation globale des émissions.

Perspectives et recommandations

Face à ces constats, une réévaluation des stratégies d’offset carbone s’impose. Les régulateurs et décideurs doivent repenser les critères d’évaluation et privilégier des mesures directement vérifiables sur le terrain. Des initiatives de recherche continue et la collaboration avec des organismes comme l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) et le Ministère de l’Environnement australien sont essentielles pour ajuster ces politiques.

Pour conclure, ces projets de régénération forestière, bien qu’ambitieux, illustrent les limites actuelles de notre capacité à modéliser et à contrôler la séquestration de carbone dans des environnements complexes. Il est crucial que l’ensemble des parties prenantes – chercheurs, décideurs et investisseurs – s’engagent dans une démarche d’amélioration continue, afin de garantir que chaque euro investi contribue réellement à la lutte contre le changement climatique. Une approche mesurée et rigoureuse, appuyée par des données vérifiées, est indispensable pour transformer ces promesses en réalités tangibles.