Lors de mon dernier voyage à Tétouan, j’ai croisé une famille installée dans une petite ruelle, dont le sourire contrastait avec la dureté quotidienne de la vie. Cette rencontre m’a rappelé que la pauvreté reste un défi majeur pour des millions de Maghrébins, chacun confronté à des réalités très différentes selon qu’il vit à Alger, Rabat ou Tunis.
Les indicateurs clés du HAMI
L’Indice mondial de la misère (HAMI) est un outil statistique fondé sur trois paramètres : le taux de chômage, l’inflation et le coût du crédit bancaire. À ce total on soustrait la croissance annuelle du PIB par habitant, pour obtenir un score : plus il est élevé, plus la « misère » y est forte. Ce calcul permet de dresser un portrait chiffré et comparatif des difficultés économiques qui pèsent sur chaque pays, et guide les décideurs dans leurs stratégies de lutte contre la précarité.
Position de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie dans le HAMI
L’analyse des scores HAMI pour 2023 révèle des écarts inattendus entre ces trois pays du Maghreb, malgré des contextes socio-économiques voisins.
Classement de l’Algérie
En 2023, l’Algérie se hisse au 41ᵉ rang mondial avec un score de 50,2, après avoir été 25ᵉ en 2022 (33,4). Cette amélioration s’explique notamment par une légère baisse du chômage et une inflation mieux maîtrisée. Mon cousin enseignant à Oran note toutefois que, derrière ces chiffres, la pression sur les jeunes diplômés reste forte, particulièrement dans l’enseignement supérieur.
Classement du Maroc
Le Maroc figure à la 68ᵉ place (score 36,56), affichant de meilleures conditions économiques globales que ses voisins. Pour autant, ce positionnement “favorable” ne garantit pas un sentiment de sécurité pour tous : dans un bistrot de Casablanca, j’ai entendu de nombreux commentaires sur l’absence de perspectives durables pour la jeunesse.
Classement de la Tunisie
Avec un score de 46,90, la Tunisie se classe 43ᵉ. La lente reprise post-révolution peine à créer des emplois suffisants et à stabiliser les prix. Une amie infirmière à Tunis partage souvent son inquiétude face à la multiplication des départs vers l’étranger, signe d’un malaise profond.
Le bonheur au Maghreb : une autre lecture
D’après le Rapport mondial sur le bonheur 2023, publié par l’ONU, l’Algérie se place 81ᵉ, devant le Maroc (100ᵉ) et la Tunisie (110ᵉ). Ce classement repose sur des critères tels que le soutien social, l’espérance de vie et la générosité, offrant un regard plus subjectif sur le bien-être quotidien.
Algérie : des signes encourageants malgré les défis
L’Algérie, tout en conservant un score HAMI modéré, se distingue dans le classement du bonheur. Deuxième pays le plus heureux d’Afrique derrière l’île Maurice, elle démontre que l’équilibre entre économie et bien‐être est possible, même lorsque les efforts restent inachevés.
Le Maroc : un paradoxe entre économie et bonheur
Au Maroc, la dynamique économique ne se traduit pas toujours par un sentiment de satisfaction. Ce paradoxe interroge sur la nécessité d’enrichir les politiques publiques – emplois, services et infrastructures – pour que la croissance profite réellement à tous.
Tunisie : une situation complexe
En Tunisie, la fracture entre une population jeune et ambitieuse et un contexte économique fragile se creuse. Les difficultés d’emploi et la volatilité des prix nourrissent une frustration palpable, exigeant des réformes structurelles urgentes.
Interprétation des indices : des enseignements pour l’avenir
Ces indicateurs soulignent l’importance de viser un véritable équilibre : stimuler la croissance, oui, mais sans négliger le bien-être des citoyens. Les gouvernements du Maghreb devront allier investissements économiques et renforcement des protections sociales pour répondre aux aspirations de leurs populations et dessiner des perspectives durables.