"Nous n'avons pas droit à l'erreur" : Arthur Tchilingarov, représentant spécial du Président de la Fédération de Russie pour la coopération internationale en Arctique et en Antarctique, a récemment rappelé la nécessité d'étayer scientifiquement, de manière indiscutable, la revendication territoriale que le pays va présenter à la Commission des Limites du Plateau Continental (CLPC) de l'ONU (cf. BE Russie 64). Il tempère ainsi l'optimisme affiché par le ministre de l'écologie et des ressources naturelles, Serge Donskoï : le dossier, quasiment prêt, devait être présenté à la session de printemps 2015 du CLPC. Au contraire A. Tchilingarov estime qu'une nouvelle expédition à l'été 2015 est nécessaire pour présenter des arguments inattaquables. L'enjeu est considérable : l'attribution à la Russie de parties importantes des dorsales Lomonossov et Mendeleïev et du bassin Podvodnikov agrandirait sa Zone Economique Exclusive de 1,2 millions de km², renfermant potentiellement 5 milliards de tonnes d'hydrocarbures. Cette nouvelle expédition compléterait les résultats de celle effectuée par l'"Académicien Fedorov" accompagné du brise-glace Yamal l'été dernier dans les mers de Laptev et de Sibérie Orientale. Arthur Tchilingarov personnifie d'ailleurs la convergence d'intérêts scientifiques, politiques et industriels pour l'Arctique : outre son rôle auprès du Président de la Fédération, il est également vice-président de la Société russe de géographie et membre du conseil de direction de Rosneft. La compagnie pétrolière est consciente des bénéfices qu'elle pourrait obtenir des avancées scientifiques dans l'étude de l'Arctique, et encourage une recherche essentiellement appliquée. Ses explorations et forages en mer de Kara ont été réalisés avec un suivi météorologique, géologique et sismologique de cette zone. Ces travaux serviront également de base à une stratégie de prévention des marées noires.
Les problèmes posés par la conquête de l'Arctique sont d'une grande variété. Comment éviter qu'une station météorologique serve de jouet aux ours blancs ? Comment repérer les possibles "trous noirs" dus au réchauffement climatique, comme celui du Yamal ? Comment nettoyer les îles (François-Joseph, Wrangel) ayant abrité des installations militaires soviétiques à une époque où l'écologie n'était pas une priorité ? Pour les résoudre, la Russie aura de plus en plus besoin de cadres spécialisés ; la région de Mourmansk a ainsi pour projet la création d'une Université Arctique en s'appuyant sur le Centre scientifique de la péninsule de Kola à Apatity.
Source : BE Russie 68 du 3/12/2014